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LA GRÈCE

Alexandre Dumas fils, dans le discours qu’il prononça le jour où il reçut Leconte de Lisle à l’Académie française, donna à cette admiration que Victor Hugo avait toujours professée pour les traductions de Leconte de Lisle, toute son importance :

« Hugo, dit-il, qui lisait dans leur langue maternelle poètes favoris, depuis Homère jusqu’à Dante, depuis Juvénal jusqu’à Shakespeare, ne reconnaissait, qu’à vous, le droit de les faire parler dans cette langue française, dont il possédait tous les secrets et toutes les magies… »

Quelle que soit la valeur intrinsèque d’une œuvre si décriée et si louée, elle a fini d’éduquer en Leconte de Lisle, l’artiste ; elle a développé en lui le besoin de la perfection. En effet, dans le moment même où il luttait pour rendre l’archaïsme, les âpretés, les naïvetés, les douceurs, la grâce primitive, le vrai sublime de ses modèles, il souffrait de ne pouvoir faire passer, dans de la prose, le libre mouvement du vers grec, son lyrisme, toutes les beautés qu’il emprunte à la prosodie. On comprend donc que, à côté de son œuvre de traducteur. Leconte de Lisle ait irrésistiblement, rimé pour le soulagement de son cœur, ces pièces, d’inspiration grecque, toutes esthétiques, qui sont dispersées à travers les Poèmes Antiques et qui s’appellent : Thyoné ; Glaucé ; Hélène ; La Robe du Centaure ; Kybèle ; Pan ; Klytie ; Le Réveil d’Hélios ; Hylas ; Les Odes anacréontiques ; Le Vase ; Les Plaintes du Cyclope ; L’Enfance d’Héraclès ; Héraclès au Taureau ; Thestylis ; Médailles antiques ; Péristéris ; Phidylé ; Le Chant alterné ; Les Bucoliastes ; Kléarista ; Fultus Hyacintho.

La composition de ses poèmes, exclusivement plastiques, a


    de Lisle nous a donné Homère. Lui seul pouvait, je crois, rendre fidèlement la simplicité grandiose de ces antiques, sans en déranger la beauté. Travail patient, ingrat en apparence, du laveur d’or au profit des autres ! Mais qui se connaîtrait mieux en or pur que celui qui porte en lui une mine féconde ? » Le Temps, 31 juillet 1872.