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LA CONCEPTION DE L’AMOUR

cet « éclair » que le désir allume, est effacé avec le souvenir dont il est né.

Tel de ses poèmes, comme La Robe du Centaure — n’est qu’une manifestation magnifique de défiance contre ces :


« Désirs que rien ne dompte ! ô robe expiatoire,
Tunique dévorante…[1] »


Tout l’intérêt du poème intitulé Hélène, gît dans l’opposition de ces deux amours : l’un conscient, divin, qu’un poète comme Homère peut concevoir pour la beauté ; l’autre, instinctif, destructeur, fatal, comme la folie à laquelle céda l’amante de Paris. Or, ce maléfice, qui renverse les murailles, des villes et détourne les hommes des contemplations sereines, Leconte de Lisle ne se lasse pas de l’invectiver.

La seule différence que l’on pourrait relever, sur ce sujet, entre lui et tel Père de l’Église, est que le poète a adoré la beauté comme une chose divine, tandis qu’elle est suspecte à ceux qui ont définitivement sacrifié la chair à l’esprit. Avec cette réserve, il faut noter que la passion de flageller le désir est des deux côtés la même. Leconte de Lisle parle de la « guêpe du désir » qui « ravive nos supplices » :


« ... Et la guêpe est au sein de l’immense nature »


Il le dénonce comme un poison qui affole :


« … Tout désir est menteur, toute joie éphémère,
Toute liqueur au fond de la coupe est amère.[2] »


Il lui apparaît comme une flamme de l’enfer :


« … L’âpre désir nous consume et nous leurre,
Plus ardent que le feu sans fin, et plus amer. »


  1. « La Robe du Centaure ». Poèmes Antiques.
  2. « Hiéronymus ».