Il a écrit toute sa pièce de Nurmahal en l’honneur et en horreur de ce vertige mortel.
« … Le roi du monde est triste, un désir l’a blessé,[1] »
Ce « roi du monde » c’est le Grand Mongol, Djihan Guir. qui, dans la nuit montante, écoute chanter la femme de son serviteur Ali, tel David épris de Bethsabée.
Sans doute, à cette minute, Leconte de Lisle s’essayait d’autre part à ces descriptions de fauves où il a si supérieurement réussi, car pour peindre l’ardeur de Djihan Guir, il s’est servi vraiment des attitudes et des expressions dont il a usé, ailleurs, pour mettre en scène la chasse du jaguar ou celle du lion :
« … Le tigre népalais qui flaire l’antilope,
Sent de même, un frisson d’aise courir en lui.[2] »
Enfin Leconte de Lisle s’emporte, avec une violence sans frein, contre l’artiste « qui s’abandonne aux délices des sens » :
« Malheur à l’insensé que le désir consume…
Qu’il soit comme un bouc vil, sous le couteau qui fume,
Étant né pour ramper non pour chanter les Dieux !…[3] »
Ceux qui s’adonnent à cette haïssable ivresse ne sont plus dignes, à ses yeux, du nom de poète ; il les nomme « les suppliciés des impossibles rêves » ; les fureurs, dont ils ont vécu, les flagelleront à jamais ; il les évoque, hommes, femmes, adolescents, hors de leurs tombeaux, privés de paix jusque dans la mort ; il les voue à la damnation éternelle.
Toutefois, à la minute où cette imprécation lui jaillit de la gorge, le beau visage du poète ne s’altère point. Il n’en-