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ESSAI SUR LECONTE DE LISLE

Ce n’est point de la rhétorique, mais bien l’expression de ces scrupules, ataviquement catholiques et bretons, que le poète n’a jamais pu étouffer dans son âme. Chez lui, ces scrupules-là montent de l’inquiétude, que provoquent les sens, a la haine pour tout mensonge. Aussi n’est-ce pas seulement Cléopâtre qui, aux yeux du poète, mérite les foudres. On sent qu’au moment même où, une maîtresse adorée rend heureux un de ses héros, il est désespéré à la pensée que ce bonheur repose sur de l’imposture, voire sur la trahison d’un mari trop confiant.

D’autre part, c’est sûrement à soi-même que Leconte de Lisle a pensé lorsque, dans Le Conseil du Fakir, il nous montre le Nabab amoureux, mis en garde par un saint homme contre l’adorable enfant qu’il aime, et qui, elle, cherche à lui percer le cœur. L’amant éperdu ne veut pas croire à la perfidie de celle qui est là « si calme à son côté, si belle en sa faiblesse… ». Il lui sourit, il repousse bien loin le soupçon. Il veut croire en elle, car :


« Quelle bouche dit vrai si cette bouche ment… ?[1] »

  1. « Le Conseil du Fakir ». Poèmes Barbares.