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LA RELIGION

le gouvernement des hommes au profit d’une caste quelconque, hiératique ou féodale. Il recopie, dans un de ses cahiers, la définition que Fourier donne du Dieu-Providence tel que ses contemporains le conçoivent : « Le mal, écrivait Fourier — vient de cette fausse Providence, dont les plans, soi-disant immuables, et tels que la vie nous les révèle — se sont traduits par de si cruels effets qu’ils semblent le caprice d’une force infiniment ingénieuse à torturer les êtres qu’elle a créés. »

Du moment que les religions élèvent Dieu au-dessus des libertés de la raison humaine, comme une sorte de César des Césars à qui il faut rendre, sans discussion, ce qu’il veut qu’on lui rende, lui, Leconte de Lisle rompt en visière à ce Dieu là. Il écrit, non sans ironie, dans son Catéchisme populaire Républicain :

« Ceux qui prétendent que Dieu a créé l’homme afin d’être connu, aimé et servi par lui, n’exigent pas autre chose de l’homme que de renoncer à sa raison, à son intelligence, à sa liberté morale, de se nier soi-même et de s’anéantir, en face d’une puissance absolue, dont il ne lui est accordé de comprendre, ni la nature, ni la justice. »

Sa violence d’indignation contre ceux qui veulent mettre obstacle à la liberté de penser est telle, qu’elle arrive à lui rendre sympathiques ces princes du moven âge qui, à la vérité, vécurent à cheval, la lance au poing, mais qui, eux du moins, ne s’attaquaient qu’à la vie des hommes et à leurs biens.

Leur brutalité, leur force matérielle lui apparaît comme un fait hideux, mais tangible, inhérent à la nature humaine et devant lequel, il faut bien que la chair ploie tandis que son hostilité agressive, définitive s’élève contre la force invisible qui prétend mater les puissances de l’esprit, et dont l’autorité, pense-t-il, ne s’appuie que sur la lâcheté de l’homme.

En effet, lorsque dans sa pièce, Les deux Glaives, Le-