Page:Dornis - Essai sur Leconte de Lisle, 1909.djvu/224

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
210
ESSAI SUR LECONTE DE LISLE

conte de Lisle, montre, selon l’histoire, « le César venant de Germanie », gisant sous le pied du Moine-Pape, le poète est si révolté de cette totale abdication consentie, qu’il est prêt d’oublier ses rancunes contre la brutalité de ceux qui ferraillent sur les grandes routes de l’histoire pour s’indigner contre ceux qui se sont accoutumés aux génuflexions. Il leur crie de se réveiller dans leur force, dans leur orgueil, dans leur gloire ; de racheter leuropprobe, de reconquérir leur liberté de penser.

C’est ainsi que la Rome antique, qu’il a toujours tenue pour suspecte — parce que sur le terrain de l’Art, elle ne s’est jamais manifestée que comme une béotienne éprise d’un idéal d’utilité — cette Rome païenne, comparée à la Rome papale, du coup lui devient chère. Il souffre à crier des humiliations qu’il lui voit imposées par ceux qui occupent la Chaise Sacerdotale. Il la pousse à la révolte :


« Rome, Rome, debout ! reconnais tes Césars !
Reprends le globe ô Rome, et le sceptre et le glaive,…
Ta pourpre s’est changée en blêmes scapulaires ;
Et, livrant ton échine au bâton du berger,
Du harnais de l’ânon tu laisses outrager
La Louve, qu’entouraient les faisceaux consulaires[1]. »


D’autre part, jamais le poète n’a mieux précisé que par la bouche de l’évêque Cyrille, cherchant à convertir la vierge païenne Hypatie, les raisons pour lesquelles il veut vivre en guerre avec le dogmatisme chrétien. L’Évêque, qui préférait séduire Hypatie que de la contraindre, l’attaque d’abord par de feintes douceurs ; il admettrait même que cette païenne ait des vertus, « s’il en est, dans les âmes » :


« Que Dieu n’éclaire point encore de ses flammes…[2] »


L’évêque Cyrille n’a jamais entendu parler de cette « loi

  1. « Les Deux Glaives », XIe et XIIe siècles. Poèmes Barbares.
  2. « Hypatie et Cyrille ». Poèmes Antiques.