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Page:Dornis - Essai sur Leconte de Lisle, 1909.djvu/25

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L’ÉVEIL DU POÈTE

dides couleurs ». Enfin il pardonne à Barbier les libertés qu’il prend avec la forme, parce que ce poète voit les choses « par les masses aussi bien que par les détails, et qu’il les voit bien », ce qui est « un rare mérite ».

Lorsqu’il aura à déposer, sur le cercueil de Théophile Gautier, l’hommage qu’un poète apporte à un poète, Leconte de Lisle parlera « de ses yeux qui erraient, altérés de lumière » :


« ... De la couleur divine, au contour immortel,
Et de la chair vivante à la splendeur du ciel…[1] »


Enfin, quand il s’assoiera devant le pupitre du critique, pour dire sous quel angle il admire particulièrement le génie d’Hugo, il écrira :

« Son œil, saisit le détail infini et l’ensemble des formes, des couleurs, des jeux d’ombre et de lumière : les perceptions diverses qui affluent incessamment en lui s’avivent et jaillissent en images vivantes, toujours précises, toujours justes dans leur accumulation formidable, ou dans leur charme irrésistible… »

Et encore : « Victor Hugo a su « voir » ce qui est plus rare qu’on ne pense : ce grand poète saisit, d’un œil infaillible, le détail infini, et l’ensemble des formes. »

En parlant ainsi, Leconte de Lisle ne pense pas seulement à Hugo, mais à soi-même. La faculté qu’il a, d’entrer en contact avec la nature est, de ses dons de naissance, celui dont, jusqu’à son dernier jour, il sera le plus heureux et le plus fier. On a trouvé, précieusement conservée parmi ses papiers une lettre de Théodore de Banville :

« … Vous disposez, lui écrivait le poète, non seulement de la couleur, mais de la lumière. Vos personnages se meuvent dans une atmosphère que rêvait Delacroix… vous dis-

  1. « À un Poète mort ». Poèmes Tragiques.