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CHAPITRE XVI

La Conception politique

Il faut se reporter à la lettre que Leconte de Lisle écrivait, au mois d’avril 1848, à son ami Ménard pour se former une exacte idée de l’importance que la politique tint toujours dans la vie du poète, malgré des apparences de dédain et le silence où, pour des raisons qui seront données, il se contraignit, pendant les dernières années du Second Empire :

« … Je ne saurais exprimer », écrivait-il, « toute la rage qui me brûle le cœur en assistant, dans mon impuissance, à cet égorgement de la République qui a été le rêve sacré de notre vie… »

Leconte de Lisle a trente ans, quand il pousse ce cri d’âme. On s’en souvient, l’impossibilité, où il s’était trouvé de réaliser, alors, même par le plus intense effort personnel, le moindre progrès dans l’ordre de choses politiques, l’avait, rejeté vers l’art. Sur ce terrain-là, maître de sa pensée comme de sa forme, il agissait rien qu’en produisant ; il pouvait, selon ses forces, atteindre cet absolu dont l’homme politique, « captif de la plèbe intellectuelle, toujours inculte et il-