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ESSAI SUR LECONTE DE LISLE

qu’il était utile de mettre en lumière l’alliance, perpétuellement nouée, à travers les siècles, à des conditions débattues, entre ceux qui rêvent d’asseoir leur domination sur l’asservissement des libertés naturelles, et ceux qui veulent donner pour base, à la religion comme à la morale, des révélations, dont seuls ils prétendent détenir les clefs.

La publication de son Histoire populaire du Christianisme[1] fut la première manifestation extérieure de ces états de sentiment du poète. Elle marqua sa rentrée en scène dans la vie politique. Au moment où la liberté de penser semblait renaître, avec les autres libertés, dans le sang et dans la flamme, et où on ne pouvait contester la nécessité de la défendre par la violence, Leconte de Lisle prit la campagne comme un franc-tireur qui agit solitairement à l’avant-garde et sur le flanc des troupes régulières. Il avait choisi, avec soin, son arme offensive : cette flèche du ridicule, dont, à plus d’un siècle de distance, Voltaire s’était si victorieusement servi, contre les mêmes ennemis.

Ce qui a été dit, de la haine que l’auteur des Siècles Maudits avait vouée au moyen âge, à cause des terreurs qu’il a entretenues, dispense, d’analyser ici, un livre de passion, dont le poète lui-même disait dans sa Préface : « Notre histoire résumée du Christianisme n’est pas un travail de critique, ni de discussion… »

Il suffira de noter que, sans travestir les faits, Leconte de Lisle les a mis dans une valeur de violence, dans une crudité de lumière qui, parfois, altère, fausse, les vraies proportions de l’histoire. Mais le poète s’est aperçu que cette ironie, qu’il a laissé percer à travers son Histoire du Christianisme, retire, à l’œuvre, de sa valeur et de sa noblesse. Il s’avise qu’on perd de l’autorité sur le lecteur en s’abandonnant à des partis pris de passion : il se les interdit pour l’avenir.

En effet, dans l’Histoire populaire de la Révolution[2],

  1. En 1871.
  2. lbid.