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Page:Dornis - Essai sur Leconte de Lisle, 1909.djvu/260

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ESSAI SUR LECONTE DE LISLE

« La terreur, s’écrie-t-il, fut mise à l’ordre du jour, et la mort devint l’unique moyen de gouvernement !… » Et ailleurs « … Ils furent conduits à l’échafaud dans la même charrette : Robespierre était mourant, Saint-Just impassible et silencieux… Six représentants traduits devant une Commission militaire furent condamnés à mort. Ils se frappèrent tous du même couteau… »

À propos de la décapitation de Louis XVI, il écrit : « Le 21 janvier, au matin, une voiture vint chercher le Roi au Temple et le conduisit à la Place de la Révolution, où était dressé l’échafaud. À dix heures dix minutes sa tête tomba… »

Et il ne peut s’empêcher d’ajouter :

« L’exécution de Louis XVI était-elle nécessaire à l’affermissement de la République ?… Les faits postérieurs ont prouvé qu’elle n’a rien affermi. Était-elle légitime ? Elle était évidemment légitime au même degré que le combat mortel engagé entre le peuple et la royauté ; mais la Convention crut tuer le roi et ne tua qu’un homme insignifiant, convaincu d’ailleurs qu’il n’avait à se reprocher aucun des crimes qu’on lui imputait. »

On pourrait mutiplier ces exemples. Ce qui perce, sous la livrée volontaire de froideur que le poète a revêtu, c’est la haine des violences sanguinaires, c’est la passion politique, toujours renaissante du poète qui ne lui permet pas d’aborder, avec le sang-froid d’un historien, les annales révolutionnaires[1]. Cette passion éclate dans l’Avant-Propos de vingt lignes qu’il place en tête de cette brochure politique, avec une sincérité de violence, qui ferait croire, à ceux qui s’en tiendraient à ce passage de son œuvre que, cet évolu-

  1. Dès 1864, Leconte de Lisle avait écrit : « Entre toutes les passions qui sont autant de foyers intérieurs d’où jaillit la satire, la passion politique est une des plus âpres et des plus fécondes. Haine de la tyrannie, amour de la liberté, goût de la lutte, ambition de la victoire ou du martyr, tout s’y donne rendez-vous et s’y rencontre. Les forces de l’âme s’y retrempent et l’ardeur du combat s’y ravive »… (Étude sur Barbier. Nain Jaune.)