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L’ÉVEIL DU POÈTE

mes avec les couleurs. Le premier amour du jeune créole devait se tourner tout naturellement, vers cette source glorieuse de vie, avec autant de gratitude poétique et religieuse, que l’âme du petit napolitain qui chante sa strophe de reconnaissance au soleil, sur le quai de Santa-Lucia.

C’est dans la contemplation constante et amoureuse de l’Océan, vu du haut de sa montagne bourbonienne que le jeune poète prit, pour l’aurore, une passion dont l’expression revêt le caractère d’un hymne. Il n’imite personne lorsqu’il parle des nues d’or pâle, des arômes légers qui sortent des herbes et des fleurs, des éveils d’oiseaux par milliers, des « âmes des choses »


« … Qui font chanter la source et s’entr’ouvrir les roses.[1] »


Il a vraiment vu l’Aurore s’élancer, « en souriant » de la mer aux nuées :


« … Dans un brouillard de perle empli de flèches d’or…[2] »


Mais, si ému que soit le jeune créole de ces grâces initiales du jour, Ie Soleil lui sera toujours plus cher que les roses clartés qui l’annoncent. Et, comme si le poète et son Dieu favori, se renvoyaient le bienfait en échange de l’adoration, c’est par la glorieuse description des splendeurs de Midi que le poète de Bourbon entre dans la renommée :


« … Midi, roi des étés épandu sur la plaine,
Tombe en nappes d’argent des hauteurs du ciel bleu.
Tout se tait. L’air flamboie et brûle sans haleine ;
La terre est assoupie en sa robe de feu.[3] »


Théophile Gautier a admirablement expliqué quel lien unit Leconte de Lisle à son astre favori :

  1. « L’Aurore ». Poèmes Barbares.
  2. « Çunacepa ». Poèmes Antiques.
  3. « Midi ». Poèmes Antiques.