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Page:Dornis - Essai sur Leconte de Lisle, 1909.djvu/30

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ESSAI SUR LECONTE DE LISLE

« … Midi, a-t-il écrit, l’heure de l’implacable clarté et du soleil vertical, l’heure qui ne laisse à l’ombre qu’une étroite ligne bleue au bord des bois, midi, convient à ce poète ferme et précis, ennemi des contours vaporeux et fuyants : il sait en rendre mieux que personne l’accablement lumineux et la sereine tristesse[1]. »

Leconte de Lisle ne serait pas un créole s’il ne savait gré, à la splendeur de midi d’avoir apporté comme un don merveilleux, caché dans les plis de sa toge éblouissante, la douceur des siestes. Il n’oubliera jamais, dans nos pays d’activité et de brumes, les heures de délicieuse torpeur où il a dormi :


«... Sous les treillis d’argent de la vérandah close
Où la splendeur du jour darde une flèche rose…[2] »


Lorsque le pessimisme, définitivement triomphant dans l’âme du poète, lui aura imposé le devoir de ne plus admirer ni louer que les forces destructrices, ne voulant pas renoncer à sa tendresse première pour l’astre, qu’il a adoré comme créateur de toute vie, il le louera comme le maître de toute destruction. Il le montrera, au désert, où il fait flamber la terre muette, « affaissée en son lit », là où toute vie, tout bruit, se tarissent, où il circule, immense, dans l’air que nul oiseau ne fouette de son aile, où il finit de brûler l’espace, où il est :


« … L’orbe en flamme où tout rentre et se noie,
Les formes, les couleurs, les parfums et la joie
Des choses…[3] »


Désormais, il ne sera plus question pour Leconte de Lisle

  1. Théophile Gautier : Étude sur Leconte de Lisle. (Histoire du Romantisme.)
  2. « La Vérandah ». Poèmes Barbares.
  3. « La Mort de Valmiki ». Poèmes Antiques.