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Page:Dornis - Essai sur Leconte de Lisle, 1909.djvu/333

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L’HOMME

Il n’est pas tendre pour ceux qui ne partagent point ces dédains :


« Hommes, tueurs de Dieux, les temps ne sont pas loin
Où, sur un grand tas d’or, vautrés dans quelque coin,
Ayant rongé le sol nourricier jusqu’aux roches,
Vous mourrez bêtement en emplissant vos poches…[1] »


Il ne cachait point, qu’un de ses plus grands griefs contre la Rome papale, était la passion de lucre qu’elle a eue ; il ne se lassait point de la peindre : « rapace, acharnée », plongeant « ses mains flétries » dans des monceaux d’or et d’argent, « chauds de larmes », fumants du sang des victimes innombrables.

D’autre part, il ne pardonnait point aux artistes de se livrer, par besoin d’argent, à des travaux hâtifs et effrénés de prose ou de vers. Il en voulait, pour cela, à Lamartine, il se demandait si le poète n’était pas en proie « à une perturbation mentale ? » Il parlait « d’irresponsabilité ». Il avait osé écrire à ce propos : « On peut brûler, on peut maudire ce que l’on a adoré, mais on ne l’avilit, qu’en s’avilissant soi-même »[2]

Leconte de Lisle se réjouissait de penser, qu’un jour, sur son lit de mort, il aurait le droit de répéter, avec son a Saint » à l’agonie :


« Les richesses du monde et ses tentations,
J’ai tout foulé du pied comme la fange et l’herbe…[3] »


Un incident de vie, où la volonté personnelle du poète n’eut point de part, vint porter atteinte à cette légitime fierté. Tant que la pauvreté n’avait affecté que lui-même et la noble compagne qui, avec lui, vivait son rêve d’artiste, Leconte de

  1. « Aux Modernes, 1848 ». Poèmes Barbares.
  2. « Étude sur Lamartine ». Nain Jaune, 1864.
  3. « L’Agonie d’un Saint ». Poèmes Barbares.