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Page:Dornis - Essai sur Leconte de Lisle, 1909.djvu/340

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ESSAI SUR LECONTE DE LISLE

raison qu’il chérit Henri Heine et Shéridan. Il crut distinguer de l’ironie dans Michel Ange, et il l’en admira davantage, il le nomma :


.......« … Fier et sombre génie,
Mélange de splendeur, d’audace et d’ironie. »


Il adorait la Lelia de George Sand, parce qu’elle aussi, elle est un mélange « de beauté, de force et d’ironie ». Ce qu’il préfère peut être le plus décidément dans le talent de Baudelaire — si contraire au sien par le goût du compliqué, par le maniérisme libertin, la modernité aiguë — c’est son ironie.

Cette surveillance, de soi-même et des autres, était, si bien, une habitude perpétuelle de sa pensée, que Sainte-Beuve s’y trompa, et la prit, non pour une acquisition de route, mais pour une forme spontanée de tempérament : « Je me figure, dit-il, M. Leconte de Lisle comme une nature altière et saturée, qui est arrivée à l’ironie tranquille.[1] »

Après l’épreuve que lui imposa la réprobation momentanée de ses amis politiques, cette ironie, purement intellectuelle du poète, céda, un instant, la place à une sorte de cruauté qui, à la surface de cette âme fière, n’était que la révolte d’avoir été méconnue. Elle s’écrivit, aux coins de la bouche, en plis, qui ne devaient se détendre que dans la gloire des dernières années, pour ne s’effacer, tout à fait, que sur le lit funèbre.

Ce n’était plus cette puissance de satyre, que les familiers de Leconte de Lisle avaient toujours connue au service de leur Maître, et dont ils riaient avec lui, quand, par exemple, il déclarait :

« S’il n’existe qu’un seul moyen de conquérir la sympathie générale, il en est plusieurs de rester ignoré de la foule. On atteint aisément, avec une certitude mathématique, ce

  1. Nouveaux lundis.