Aller au contenu

Page:Dornis - Essai sur Leconte de Lisle, 1909.djvu/345

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
327
L’HOMME

mais préoccupé d’eux, ardent à les servir dans ces embarras de vie, que, si souvent, occasionne la Muse, à ceux qui l’aiment. Les mois d’été éparpillaient les membres du petit cénacle, sans interrompre ces rites de l’amitié. Des nouvelles arrivent au poète de tous les amis qui sont loin, de toutes les œuvres qui s’élaborent. D’autre part, les fidèles ont emporté les volumes de vers où le Maître a enchâssé de la Beauté éternelle ; ces lectures les aident « à supporter l’éloignement » : elles sont « la meilleure nourriture de leurs esprits ». Leconte de Lisle a bien le sentiment qu’il s’est créé une famille intellectuelle, qui vit de ses principes, lui emprunte son idéal, et qui, pour de nobles efforts, ne connaît pas de meilleure récompense, qu’une approbation de sa bouche.

Il faut citer, comme un type de ces lettres, ce billet inédit de Verlaine, qui date du 12 août 1867, et indique quels liens d’amitiés reliait, dès cette minute, à Leconte de Lisle, l’élite des poètes de son temps :

« Cher Maître et Ami… Victor Hugo, que j’ai eu le bonheur de voir à Bruxelles, après m’avoir longuement parlé de vous avec la plus grande admiration et la plus vive sympathie, m’a chargé de vous prier de lui envoyer votre article sur lui qui a paru, il y a quelques années, dans le Nain Jaune… Je lui promis d’agir sans retard, c’est pourquoi je viens aujourd’hui vous demander l’époque approximative de la « parution » (style Lemerre) dudit article… J’entrerai dans la Caverne Castognory-Barbey-Genesco, j’achèterai le numéro en question et, si vous m’y autorisez, je l’enverrai de votre part, à l’homme de lettres dont il a été parlé, ci-contre. L’éditeur blond du passage Choiseul, m’apprend que vous avez le bonheur d’être le voisin de la mer, et son hôte. Hélas ! Où est le temps où, moi aussi, je me pouvais tremper dans l’onde amère et gagner, à ces ablations, des forces nouvelles et de terribles appétits ! J’ai reçu des nouvelles de Catulle, qui est à Arcachon, où le scélérat fait