Aller au contenu

Page:Dornis - Essai sur Leconte de Lisle, 1909.djvu/40

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
28
ESSAI SUR LECONTE DE LISLE

tonneux ». C’est le vert colibri, le « roi des collines », qui descend vers la fleur :


« … Et boit tant d’amour dans la coupe rose,
Qu’il meurt, ne sachant s’il l’a pu tarir…[1]


C’est le martin-pêcheur qui regarde l’eau dormir ; ce sont les perruches vertes qui logent dans les trous d’écorce. C’est l’essaim tropical de ces oiseaux multicolores qui volent et rôdent de l’arbre au rocher, de la mousse aux herbes, des herbes aux fleurs, qui vivent, pour la joie de tremper, dans l’eau, leur « poitrail qui s’ébouriffe », puis, de sécher leurs plumes dans la brise chaude.

C’était au bord de la rivière le Bernica, que le poète enfant venait observer cette vie ailée. De tous les coins de la forêt, l’eau attirait là les oiseaux. Et c’étaient des chœurs soudains, des chansons infinies :


« … Un long gazouillement d’appels joyeux mêlé,
Où des plaintes d’amour à des rires unies
Et si douces, pourtant, flottent ces harmonies
Que le repos de l’air n’en est jamais troublé…[2]


Leconte de Lisle a affirmé, qu’il n’avait pas connu d’heures plus pleines d’apaisement et de facile espérance, que celles qu’il vécut dans ces contemplations. Il dit que, de cette joie des oiseaux, aperçus entre l’eau, les fleurs et la lumière, « l’âme se pénètre ». À cette minute, elle se plonge entière :


« … Dans l’heureuse beauté de ce monde charmant ;
Elle se sent oiseau, fleur, eau vive et lumière ;
Elle revêt ta robe, ô pureté première !
Et se repose en Dieu silencieusement…[3]  »


  1. « Le Colibri ». Poèmes Barbares.
  2. « Le Bernica ». Poèmes Barbares.
  3. Ibid.