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LA POÉSIE FRANÇAISE CONTEMPONAINE

de goûter, autant qu’il le faudrait, la très belle simplicité de l’action, le noble effort du poète vers l’humanité et la grandeur. La forme que le genre et les principes personnels de l’auteur lui inspiraient, n’a pas donné davantage de satisfaction à l’ensemble d’un public dont l’oreille, déconcertée, ne sait pas bien si elle écoute de la prose ou des vers.

Ainsi, les majestueux symboles du Théâtre, de M. Paul Claudel — grand inventeur de rythmes, de métaphores, d’images — ne peuvent point t^nir la scène, ils en débordent : ils la dépassent.

Le symbolisme apporte partout ses suites ordinaires d’imprécision et d’obscurité qui donnent tort à ces disciples d’Edgard Poë qui rêvent de mettre, à la scène, « une action profondément immobile » ; ou qui déclarent, avec M. Ghéon : « la splendeur verbale est pensée, milieu, action : elle est tout. »

M. Saint-Pol Roux a été assez clairvoyant pour, d’avance, traiter de « hardie » la comédienne qui oserait incarner sa tragique Dame à la Faulx : l’audace de Mme Sarah Bernhardt elle-même s’est arrêtée devant une telle épreuve (1).

Cette certitude, que la plupart de leurs pièces ne verront pas la rampe, cause peu de regrets à nombre de poètes symbolistes ; même on les a vus triompher de cette exclusion en fanfare d’orgueil :

« Il m’a plu de faire une pièce injouable, — et injouable non seulement parce que la mise en scène du cinquième acte est complètement impossible, — mais encore et surtout parce que, d’après moi, tous les théâtres présents et passés ayant

(1) M. Lugné Poë, par les nobles travaux de son Théâtre de l’Œuvre, a soutenu les meilleures tentatives symbolistes des onze dernières années. D’autre part, M. Rouché est, depuis deux ans, le Mécène du Théâtre de l’Art où se jouent des nouveautés artistic[ues intéressantes et des chefs-d’œuvres anciens, en de parfaits décors.