Page:Dornis - La Sensibilité dans la poésie française contemporaine, Fayard.djvu/331

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
319
LES TENDANCES DU THÉÂTRE EN VERS

ce monde : le Pape, le Patriarche, le Connétable, le Bourgeois, venant frapper de compagnie à la porte du Paysan qui s’est enfermé dans sa chaumière parce que Tespoir de l’année est mort pour ses domaines, parce que, au delà des mers européennes, son fils est tombé sur un champ de bataille inconnu. On a été touché de l’imploration pathétique de cette symbolique Humanité, qui vient supplier l’agriculteur d’oublier ses déboires, de remettre la main à la charrue :

Hé, ce n’est pas le temps do pleurer
Il n’est que temps de tout recommencer
Surtout si nous avons la guerre
La mort est toujours là mais la vie aussi
Elle t’appelle… Sors et redresse-toi
Homme de la Noblesse de la Terre !

Nulle part, même quand, la tête nue, les mains tremblantes, « l’Homme et la Noblesse de la Terre », apparaît sur le seuil, déclare :

… Je vous ai entendus…
Me voici.


on ne sent passer ce frisson particulier du théâtre que le développement de l’action prépare, porte sur des ailes : ici l’émotion demeure esthétique et de qualité lyxique.

Même observation pour Uarmée dans la ville que les poètes « unanimistes » ont fait représenter à rOdéon (1). Le Général en qui se personnifie l’Ame de l’Armée, la Femme du maire en qui se personnifie l’âme de la Ville, ont paru tour à tour réduits à la taille de simples individus, ou enflés de façon plus qu’humaine, à la taille d’idées, qui n’arrivent pas à prendre les contours de la personnalité. De là des sursauts qui empêchent

(1) M. Jules Romain.