Page:Dostoïevski - Carnet d’un inconnu 1906.djvu/128

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

vous si bon, si beau, si gai, si intelligent ! Est-ce donc à vous de vous soumettre à ce méchant ingrat ? de devenir comme un jouet dans ses mains jusqu’à en être la risée de tout le monde ? Papa ! mon père adoré !

Elle éclata en sanglots et, se couvrant la figure de ses mains, elle s’enfuit de la salle. Ce fut un tumulte indescriptible. La générale avait une syncope et, à genoux devant elle, mon oncle lui baisait les mains. La demoiselle Pérépélitzina se démenait autour d’eux et nous lançait des regards féroces, mais triomphants. Anfissa Pétrovna bassinait d’eau fraîche les tempes de la générale et lui tenait son flacon. Prascovia Ilinitchna, toute tremblante, versait d’abondantes larmes. Éjévikine cherchait un coin où se cacher et, pâle comme une morte, l’institutrice, éperdue de terreur, restait là, debout. Seul, Mizintchikov ne s’émouvait pas. Il se leva, s’approcha de la fenêtre et se mit à regarder au dehors sans prêter la moindre attention à la scène qui se jouait.

Tout à coup, la générale se souleva du divan, se redressa et, me toisant furieusement :

— Allez-vous en ! cria-t-elle en frappant du pied.

Je ne m’attendais nullement à une pareille algarade.