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Page:Dostoïevski - Carnet d’un inconnu 1906.djvu/136

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— Qu’as-tu dit après avoir dévoré ton pâté ? répète-le devant tout le monde !

Falaléi ne soufflait mot et se répandait en larmes abondantes.

— Eh bien, je vais le dire pour toi. Tu as dit, en frappant sur ton ventre aussi plein qu’indécent : « Je me suis rempli le ventre de pâté comme Martin de savon ! » Je vous demande, colonel, s’il est permis de proférer de pareilles paroles devant des gens bien élevés, à plus forte raison dans le grand monde ? L’as-tu dit, oui ou non ? Réponds !

— Je l’ai dit !… confirmait Falaléi en sanglotant.

— À présent, dis-moi ce que c’est que ce Martin qui mange du savon. Où as-tu vu un Martin manger du savon ? Allons, je voudrais bien pouvoir me figurer ce Martin phénoménal. — Silence de Falaléi. — Je te demande qui est ce Martin. Je veux le voir, le connaître ! Allons, qu’est-il ? Un commis d’enregistrement ? Un astronome ? Un poète ? Un domestique ? Il faut pourtant qu’il soit quelque chose.

— Un domestique ! répondait enfin Falaléi sans s’arrêter de pleurer.

— Quels sont ses maîtres ?

Cela, Falaléi ne le savait pas. Naturellement,