Page:Dostoïevski - Carnet d’un inconnu 1906.djvu/137

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le tout finissait par une grande colère de Foma qui quittait la salle en criant qu’on l’avait offensé ; la générale avait une crise de nerfs et mon oncle, maudissant le jour de sa naissance, demandait pardon à tout le monde, se croyant obligé, pour le reste de la journée, de marcher sur la pointe des pieds dans sa propre maison.

Comme un fait exprès, le lendemain même de cette affaire, Falaléi, ayant complètement perdu de vue et Martin et toutes ses souffrances de la veille, Falaléi apportait le thé du matin à Foma Fomitch, et ne manquait pas de lui communiquer qu’il avait rêvé d’un bœuf blanc. La mesure était comble. En proie à la plus furieuse indignation, Foma faisait immédiatement appeler mon oncle et le chapitrait d’importance sur l’indécence des songes de Falaléi. On prit de sévères mesures : Falaléi fut puni et mis à genoux dans un coin. On lui défendit d’avoir de ces rêves de paysan.

— Si je me fâche, expliquait Foma, c’est que je ne puis admettre qu’il vienne me raconter ses rêves, surtout quand il s’agit d’un bœuf blanc. Convenez vous-même, colonel, que ce bœuf blanc n’a d’autre signification que la grossièreté et l’ignorance de votre Falaléi. Tels rêves, telles pensées. N’avais-je pas dit qu’on n’en ferait rien de