Page:Dostoïevski - Carnet d’un inconnu 1906.djvu/204

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pleurait. Ils disaient tous qu’ils ne reverraient plus mon pareil… Alors, je m’étais dit que je n’étais pas un homme absolument mauvais.

— Nouveau trait d’égoïsme. Je vous reprends en flagrant délit d’amour-propre exaspéré. Vous vous vantez et vous cherchez à vous parer des larmes de ces hussards. Me voyez-vous faire parade des larmes de qui que ce soit ? Et cependant, ça ne me serait pas difficile : j’aurais de quoi me vanter aussi !

— Ça m’a échappé, Foma : je n’ai pas pu me contenir au souvenir du beau temps passé !

— Le beau temps ne nous tombe pas du ciel ; c’est nous qui le faisons nous-mêmes ; il est dans notre cœur, Yégor Ilitch. Pourquoi suis-je toujours heureux, calme, content, en dépit de mes malheurs ? Pourquoi n’importuné-je personne excepté les imbéciles, les savants que je n’épargne pas et que je n’épargnerai jamais ? Quels sont ces savants ? « Un homme de science ». Mais, chez lui, cette science est un leurre et non une science ! Voyons, que disait-il, ce tantôt ? Qu’il vienne ! Faites venir tous les savants. Je suis en mesure de les confondre tous, de renverser toutes leurs doctrines ! Quant à la noblesse de sentiments, je n’en parle même pas…