Page:Dostoïevski - Carnet d’un inconnu 1906.djvu/205

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— Certainement, Foma, certainement, personne n’en doute !

— Tout à l’heure, j’ai fait preuve d’esprit, de talent, de colossale érudition littéraire, d’une connaissance approfondie du cœur humain ; j’ai montré dans un brillant développement comment tel Kamarinski pouvait devenir un thème élevé de conversation dans la bouche de l’homme de talent. Eh bien, lequel d’entre eux a su m’apprécier à ma valeur ? Non, on se détournait de moi. Je suis certain qu’il vous a déjà dit que je ne savais rien ! Et pourtant, il avait peut-être devant lui un Machiavel, un Mercadante, dont tout le défaut était sa pauvreté, son génie méconnu !… Non, cela, c’est impardonnable !… On me parle aussi d’un certain Korovkine. Qu’est-ce encore que celui-là ?

— Foma, c’est un homme d’esprit et de science que j’attends. Celui-là est véritablement un savant !

— Hum ! Je vois ça, une sorte d’Aliboron moderne, pliant sous le poids des livres. Ces gens-là n’ont pas de cœur, colonel, ils n’ont pas de cœur. Qu’est-ce que l’instruction sans la vertu ?

— Non, Foma, non ! Si tu avais entendu comme il parlait du bonheur conjugal ! Ses paroles allaient droit au cœur, Foma !