Page:Dostoïevski - Carnet d’un inconnu 1906.djvu/28

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Il écrit un article ! disait-il en traversant sur la pointe des pieds les pièces avoisinant le cabinet de travail de Foma Fomitch, et il ajoutait avec un air mystérieux et fier : — Je ne sais au juste ce qu’il écrit, peut-être une chronique… mais alors quelque chose d’élevé… Nous ne pouvons pas comprendre cela, nous autres… Il m’a dit traiter la question des forces créatrices. Ça doit être de la politique. Oh ! son nom sera célèbre et entraînera le nôtre dans sa gloire… Lui-même me le disait encore tout à l’heure, mon cher…

Je sais positivement que, sur l’ordre de Foma, mon oncle dut raser ses superbes favoris blond foncé, son tyran ayant trouvé qu’ils lui donnaient l’air français et par conséquent fort peu patriote. Et puis, peu à peu, Foma se mit à donner de sages conseils pour la gérance de la propriété ; ce fut effrayant !

Les paysans eurent bientôt compris de quoi il retournait et qui était le véritable maître, et ils se grattaient la nuque. Il m’arriva de surprendre un entretien de Foma avec eux. Foma avait déclaré qu’il « aimait causer avec l’intelligent paysan russe » et, quoiqu’il ne sût pas distinguer l’avoine du froment, il n’hésita pas à disserter d’agriculture. Puis il aborda les devoirs sacrés du