Page:Dostoïevski - Carnet d’un inconnu 1906.djvu/352

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colonel, si quelqu’un a ancré en moi la conviction que votre amour était coupable, c’est vous, vous seul ! Ce n’est pas tout : vous êtes également coupable à l’égard de cette jeune fille que vous avez exposée à la calomnie, aux plus déshonorant soupçons, elle, pure et sage, par votre égoïsme méfiant et maladroit.

La tête basse, mon oncle se taisait. L’éloquence de Foma avait évidemment éteint toutes ses velléités de défense et il se reconnaissait pleinement coupable. La générale et sa cour écoutaient Foma dans un silence dévot et la Pérépélitzina contemplait la pauvre Nastenka avec un air de triomphe fielleux.

— Surpris, énervé, abattu, continua Foma, je m’étais enfermé chez moi pour prier Dieu de m’inspirer des pensées judicieuses. Je finis par me décider à vous éprouver publiquement pour la dernière fois. Peut-être y ai-je apporté trop d’ardeur ; peut-être me suis-je par trop abandonné à mon indignation ; mais, en récompense des plus nobles intentions, vous m’avez jeté par la fenêtre. Et, tout en tombant, je me disais : « Voici comme on récompense la vertu ! » Puis je me brisai sur le sol et je ne me souviens plus de ce qu’il arriva par la suite.