Page:Dostoïevski - Carnet d’un inconnu 1906.djvu/381

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mesure admise du bien et de la morale n’est pas équitable… etc., etc. ; en un mot, je m’enflammai jusqu’à lui parler de l’école réaliste et j’en vins à déclamer la célèbre poésie :

Quand, des ténèbres du péché…

Mon oncle fut transporté, ravi.

— Mon ami, mon ami ! — s’écria-t-il avec émotion — tu me comprends admirablement et tu m’as dit tout ce que j’aurais voulu dire, mais mieux que je ne l’eusse fait. Oui ! oui ! Dieu ! pourquoi l’homme est-il méchant ? Pourquoi suis-je si souvent méchant quand il est si beau, si bien d’être bon ? Nastia le disait aussi… Mais regarde, quel coin charmant, ajouta-t-il en jetant autour de lui un regard enchanté. Quelle nature ! Cet arbre, c’est à peine si un homme pourrait l’entourer de ses bras. Quelle sève ! quel feuillage ! Quel beau soleil ! Comme tout est devenu frais et riant après l’orage !… Quand je pense qu’il se peut que les arbres aient une conscience, qu’ils sentent et qu’ils jouissent de l’existence… Ne le crois-tu pas ? Qu’en penses-tu ?

— Cela se peut fort bien, mon oncle. Mais ils sentiraient à leur manière, naturellement.

— Bien sûr ! Oh ! l’admirable, l’admirable