Page:Dostoïevski - Carnet d’un inconnu 1906.djvu/50

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j’étais un imbécile ! Il m’avait séduit, moi aussi. Ça sait tout ; ça connaît à fond toutes les sciences. Il m’avait ordonné des gouttes, car je suis malade ; vous ne vous en douteriez pas ? J’ai failli en mourir de ces gouttes ! Écoutez-moi ; ne dites rien. Vous verrez tout cela. Ce Foma fera verser au colonel des larmes de sang, mais il sera trop tard. Tous les voisins ont rompu avec votre oncle à cause de ce misérable Foma qui insulte tous les visiteurs, fussent-ils du grade le plus élevé. Il n’y a que lui d’intelligent ; il n’y a que lui de savant ; et, comme un savant a le droit de morigéner les ignorants, il parle, il parle : ta-ta-ta… ta-ta-ta… Ah ! il en a une langue ! On pourrait la couper et la jeter au fumier qu’elle bavarderait encore tant qu’un corbeau ne l’aurait pas mangée. Et il est devenu fier. Il s’engage dans des conduits où il n’y a pas seulement passage pour sa tête. Mais quoi ! il enseigne le français aux domestiques ! Je vous demande de quelle utilité la langue française peut être à un paysan ? Et même à nous ? À quoi ça peut-il servir ? À causer avec les demoiselles pendant la mazurka ? À dire des fadeurs aux femmes mariées ? Ce n’est rien qu’une débauche, voilà ! Selon moi, quand on a bu un carafon d’eau-de-vie, on parle toutes les langues ! Voilà ce que j’en