Page:Dostoïevski - Carnet d’un inconnu 1906.djvu/53

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Grichka est une canaille, mais c’est pour cela que je l’aime. Je me perds par mon extrême sensibilité et c’est la faute de ce Foma ! Je jure qu’il causera ma mort ! Voilà deux heures que je reste au soleil grâce à lui. Je voulais, en attendant, aller rendre visite au pope, mais Foma m’a mis dans un tel état que je ne veux même pas voir cet excellent homme. Et il n’y a pas seulement un cabaret à peu près propre ! Je vous dis que ce sont tous des canailles ! et, pour revenir à Foma, s’il possédait au moins un grade, ça le rendrait excusable ; mais il n’a pas le plus minime grade, j’en ai la certitude ! Il dit avoir souffert pour la vérité ; je voudrais bien savoir quand ? En attendant, il faut être à ses pieds. Le Grand Turc n’est pas son frère ! À la moindre chose qui lui déplaît, il bondit, jette les hauts cris, se plaint qu’on l’insulte, qu’on méprise sa pauvreté. On n’ose pas se mettre à table sans lui, alors qu’il ne veut pas sortir de sa chambre sous prétexte « qu’on l’a offensé, parce qu’il n’est qu’un malheureux pèlerin. Eh bien, il se contentera d’un morceau de pain noir ! » Mais à peine est-on assis qu’il survient et recommence ses jérémiades : « Pourquoi commence-t-on sans lui ? On le méprise donc bien ? » Il se laisse aller quoi ! Je me suis tu longtemps. Il croyait que