Des pas se faisaient entendre dans la chambre où gisait la vieille. Il s’arrêta, glacé de terreur. Cependant, le bruit ayant cessé de se produire, il croyait déjà avoir été dupe d’une hallucination de l’ouïe, quand soudain il perçut distinctement un léger cri ou plutôt un sorte de gémissement faible et entrecoupé. Au bout d’une ou deux minutes, tout retomba dans un silence de mort. Raskolnikoff s’était assis par terre près du coffre et attendait, respirant à peine. Tout à coup il bondit, saisit la hache et s’élança hors de la chambre à coucher.
Au milieu de la chambre, Élisabeth, un grand paquet dans les mains, contemplait d’un œil effaré le cadavre de sa sœur ; pâle comme un linge, elle semblait n’avoir pas la force de crier. À la brusque apparition du meurtrier, elle se mit à trembler de tous ses membres, et des frissons parcoururent son visage : elle essaya de lever le bras, d’ouvrir la bouche, mais elle ne proféra aucun cri, et, reculant lentement, le regard toujours attaché sur Raskolnikoff, elle alla se blottir dans un coin. La pauvre femme opéra cette retraite toujours sans crier, comme si le souffle eût manqué à sa poitrine. Le jeune homme s’élança sur elle, la hache haute : les lèvres de la malheureuse prirent l’expression plaintive qu’on remarque chez les tout petits enfants quand ils commencent à avoir peur de quelque chose, regardent fixement l’objet qui les effraye et sont sur le point de crier.
L’épouvante avait si complétement hébété cette infortunée Élisabeth que, menacée par la hache, elle ne songea même pas à garantir son visage en portant ses mains devant sa tête par ce geste machinal que suggère en pareil cas l’instinct de conservation. Elle souleva à peine son bras gauche et l’étendit lentement dans la direction de l’assassin comme pour écarter ce dernier. Le fer de la hache pénétra dans le crâne, fendit toute la partie supérieure du front et