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Page:Dostoïevski - Crime et chatiment, tome 1.djvu/120

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Effectivement, les franges qu’il avait coupées au bas de son pantalon traînaient encore sur le plancher, au milieu de la chambre, exposées à la vue du premier venu. — « Mais où ai-je donc la tête ? » s’écria-t-il comme anéanti.

Alors une idée étrange lui vint à l’esprit : il pensa que ses vêtements étaient peut-être tout ensanglantés, et que l’affaiblissement de ses facultés l’avait seul empêché d’apercevoir les taches… Tout à coup il se rappela qu’il y avait aussi du sang sur la bourse. « Bah ! alors il doit y avoir également du sang dans ma poche, car la bourse était encore humide quand je l’y ai mise ! » Aussitôt il retourna sa poche, et, en effet, il trouva des taches sur la doublure. « La raison ne m’a donc pas encore quitté tout à fait ; je n’ai donc pas perdu la mémoire et la réflexion, puisque j’ai fait de moi-même cette remarque ! » pensa-t-il triomphant, tandis qu’un soupir de satisfaction sortait du fond de sa poitrine ; « j’ai simplement eu une minute de fièvre qui m’a enlevé l’usage de mon intelligence. »

Sur ce, il arracha toute la doublure de la poche gauche du pantalon. En ce moment, un rayon de soleil éclaira sa botte gauche : sur la pointe il lui sembla apercevoir des indices révélateurs. Il ôta sa botte : « En effet, ce sont des indices ! Tout le bout de ma botte est teint de sang. » Sans doute il avait alors posé imprudemment son pied dans cette mare… « Mais que faire maintenant de cela ? Comment me débarrasser de cette botte, de ces franges, de cette doublure ? »

Il restait debout au milieu de la chambre, tenant à la main toutes ces pièces de conviction si accablantes pour lui.

« Si je les jetais dans le poêle ? Mais c’est dans le poêle qu’on cherchera tout d’abord. Si je les brûlais ? Et avec quoi les brûler ? Je n’ai même pas d’allumettes. Non, il vaut mieux aller jeter tout cela quelque part. Le mieux est d’aller