jeter tout cela ! » répétait-il en se rasseyant sur le divan, — « et tout de suite, à l’instant, sans une minute de retard !… » Mais, au lieu d’exécuter cette résolution, il laissa retomber sa tête sur l’oreiller ; le frisson le reprit, et, transi de froid, il s’enveloppa de nouveau dans son manteau. Pendant longtemps, pendant plusieurs heures, cette idée se présenta presque sans cesse à son esprit : « Il faut au plus tôt jeter cela quelque part ! » À diverses reprises il s’agita sur le divan, voulut se lever et n’y put réussir. À la fin, des coups violents frappés à sa porte le tirèrent de sa torpeur.
C’était Nastasia qui cognait ainsi.
— Ouvre donc, si tu n’es pas mort ! criait la servante ; — il dort tout le temps ! Il roupille comme un chien, durant des journées entières ! C’est, d’ailleurs, un vrai chien ! Ouvre, te dit-on. Il est dix heures passées.
— Mais il n’est peut-être pas chez lui ! fit une voix d’homme. « Bah ! c’est la voix du dvornik… Qu’est-ce qu’il veut ? » Il tressaillit et s’assit sur le divan. Son cœur battait à lui faire mal.
— Et qui donc aurait fermé la porte au crochet ? répliqua Nastasia. — Monsieur s’est enfermé ! Il se prend sans doute pour une pièce rare, et il a peur qu’on ne l’emporte ! Ouvre donc, éveille-toi !
« Qu’est-ce qu’ils veulent ? Pourquoi le dvornik est-il monté ? Tout est découvert. Faut-il résister ou bien ouvrir ? Peste soit d’eux… »
Il se leva à demi, se pencha en avant et défit le crochet. Sa chambre était si petite qu’il pouvait ouvrir la porte sans quitter le divan.
Il aperçut devant lui Nastasia et le dvornik.
La servante considéra Raskolnikoff d’un air étrange. Le jeune homme regarda avec une audace désespérée le dvornik qui, silencieusement, lui tendit un papier gris, plié en deux et cacheté de cire grossière.