Page:Dostoïevski - Crime et chatiment, tome 1.djvu/122

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— C’est une assignation, cela vient du commissariat, dit-il ensuite.

— De quel commissariat ?

— Du commissariat de police, naturellement. On sait bien duquel il s’agit.

— Je suis appelé devant la police !… Pourquoi ?…

— Comment puis-je le savoir ? On vous y appelle, allez-y.

Il examina attentivement le locataire, puis regarda autour de lui et se prépara à se retirer.

— Tu as l’air d’aller encore plus mal ? observa Nastasia, qui ne quittait pas des yeux Raskolnikoff. À ces mots, le dvornik retourna la tête. — Depuis hier, il a la fièvre, ajouta-t-elle.

Il ne répondait pas et tenait toujours le pli dans ses mains sans le décacheter.

— Mais reste couché, poursuivit la servante prise de pitié en voyant qu’il s’apprêtait à se lever. Tu es malade ; eh bien, n’y va pas. Il n’y a rien qui presse. Qu’est-ce que tu as dans les mains ?

Le jeune homme regarda : il tenait dans sa main droite les franges de son pantalon, sa bottine et la doublure de la poche qu’il avait arrachée. Il avait dormi avec cela. Plus tard, cherchant à s’expliquer le fait, il se rappela qu’il s’était à demi réveillé dans un transport fiévreux, et qu’après avoir étreint fortement tous ces objets dans sa main, il s’était rendormi sans desserrer les doigts.

— Il a ramassé des loques, et il dort avec comme si c’était un trésor… En achevant ces mots, Nastasia se tordit, prise du rire nerveux et maladif qui lui était habituel. Raskolnikoff cacha précipitamment sous son manteau tout ce qu’il avait dans les mains et attacha un regard pénétrant sur la servante. Quoiqu’il fût alors fort peu en état de réfléchir, il sentait qu’on ne s’adresse pas ainsi à un homme quand on vient pour l’arrêter ; — « mais… la police ? »