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Page:Dostoïevski - Crime et chatiment, tome 1.djvu/125

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à tout hasard. Il ne voulait demander aucun renseignement à personne.

« J’entrerai, je me mettrai à genoux et je raconterai tout… », pensait-il, tandis qu’il montait au quatrième étage.

L’escalier était étroit, roide et tout ruisselant d’eaux sales. Aux quatre étages, les cuisines de tous les appartements donnaient sur cet escalier, et elles étaient ouvertes presque toute la journée. Aussi était-on suffoqué par la chaleur ; on voyait monter et descendre des dvorniks avec leurs livrets sous le bras, des agents de police et divers individus des deux sexes ayant affaire au commissariat. La porte du bureau était aussi toute grande ouverte.

Raskolnikoff entra et s’arrêta dans l’antichambre, où attendaient des moujiks. Là, comme dans l’escalier, il faisait une chaleur étouffante ; de plus, le local, fraîchement peint, exhalait une odeur d’huile qui donnait la nausée. Après avoir attendu un moment, le visiteur se décida à passer dans la pièce suivante. C’était une enfilade de chambres petites et basses. Le jeune homme était de plus en plus impatient de savoir à quoi s’en tenir. Personne ne faisait attention à lui. Dans la seconde chambre travaillaient des scribes à peine un peu mieux vêtus qu’il ne l’était. Tous ces gens avaient un air assez étrange. Il s’adressa à l’un d’eux.

— Qu’est-ce qu’il te faut ?

Il montra la citation envoyée par le commissariat.

— Vous êtes étudiant ? demanda le scribe, après avoir jeté les yeux sur le papier.

— Oui, ancien étudiant.

L’employé examina son interlocuteur, du reste sans aucune curiosité. C’était un homme aux cheveux ébouriffés qui paraissait dominé par une idée fixe.

« De celui-là il n’y a rien à apprendre, parce que tout lui est égal », se dit Raskolnikoff.