a demandés ; quant à l’histoire de vos amours et à tous ces lieux communs tragiques, nous n’en avons que faire.
— Oh ! tu es dur… murmura Nikodim Fomitch qui avait pris place devant son bureau et s’était mis aussi à parapher des papiers. Il semblait éprouver une certaine honte.
— Écrivez donc, dit le chef de la chancellerie à Raskolnikoff.
— Quoi écrire ? demanda celui-ci d’un ton brutal.
— Je vais vous dicter.
Raskolnikoff crut s’apercevoir que, depuis sa confession, le chef de la chancellerie le prenait avec lui sur un ton plus dédaigneux ; mais, chose étrange, il était soudain devenu tout à fait indifférent à l’opinion qu’on pouvait avoir de lui, et ce changement s’était opéré en un clin d’œil, instantanément. S’il avait voulu réfléchir un peu, il se serait sans doute étonné d’avoir pu, une minute auparavant, causer de la sorte avec les fonctionnaires de la police et même les forcer à entendre ses confidences. Maintenant, au contraire, si, au lieu d’être pleine de policiers, la chambre se fût brusquement remplie de ses amis les plus chers, il n’aurait probablement pas trouvé une seule parole humaine à leur dire, tant son cœur s’était tout à coup vidé.
Il n’éprouvait plus que l’impression douloureuse d’un immense isolement. Ce n’était pas la confusion d’avoir rendu Ilia Pétrovitch témoin de ses épanchements, ce n’était pas la morgue insolente de l’officier qui avait subitement produit cette révolution dans son âme. Oh ! que lui importait maintenant sa propre bassesse ? Que lui importaient les airs hautains, les lieutenants, les lettres de change, les bureaux de police, etc., etc. ? Si en ce moment on l’avait condamné à être brûlé vif, il n’aurait pas bronché ; à peine eût-il écouté jusqu’au bout le prononcé du jugement.
Un phénomène tout nouveau, sans précédent jusqu’alors, s’accomplissait en lui. Il comprenait ou plutôt — chose cent