Page:Dostoïevski - Crime et chatiment, tome 1.djvu/134

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paperasses ; — laissez-moi vous dire que je vis chez elle depuis près de trois ans, depuis que je suis arrivé de province, et que dans le temps… après tout, pourquoi ne l’avouerais-je pas ?… tout au début je m’étais engagé à épouser sa fille, j’avais fait cette promesse verbalement… C’était une jeune fille… du reste, elle me plaisait… quoique je n’en fusse pas amoureux… en un mot, j’étais jeune, je veux dire que ma logeuse m’a ouvert alors un large crédit, et que j’ai mené une vie… j’ai été fort léger…

— On ne vous demande pas d’entrer dans ces détails intimes, monsieur, et nous n’avons pas le temps de les entendre, interrompit grossièrement Ilia Pétrovitch ; mais Raskolnikoff poursuivit avec chaleur, quoiqu’il lui fut soudain devenu extrêmement pénible de parler :

— Permettez-moi cependant de vous raconter à mon tour comment l’affaire s’est passée, quoique — je le reconnais avec vous — cela soit inutile. Il y a un an, cette demoiselle est morte du typhus ; je suis resté locataire de madame Zarnitzine, et quand ma logeuse est allée demeurer dans la maison où elle habite aujourd’hui, elle m’a dit… amicalement… qu’elle avait toute confiance en moi… mais que néanmoins elle serait bien aise que je lui fisse un billet de cent quinze roubles, chiffre auquel elle évaluait le montant de ma dette. Permettez : elle m’a positivement assuré qu’une fois en possession de ce papier, elle continuerait à me faire crédit autant que je le voudrais, et que jamais, jamais — telles ont été ses propres paroles — elle ne mettrait cet effet en circulation… Et maintenant que j’ai perdu mes leçons, maintenant que je n’ai pas de quoi manger, voilà qu’elle exige le payement de cette lettre de change… Que dire de cela ?

— Tous ces détails pathétiques, monsieur, ne nous concernent pas, répliqua insolemment Ilia Pétrovitch, — vous devez nous donner la déclaration et l’engagement qu’on vous