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Page:Dostoïevski - Crime et chatiment, tome 1.djvu/154

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148 LE CRIME ET LE CHATIMENT.

ment, Razoumikhine s’apprêtait à conduire la main de Raskolnikoff.

— Laisse, je ferai cela moi-même… dit ce dernier ; il prit la plume et écrivit son reçu sur le livre. L’artelchtchik remit l’argent et se retira.

— Bravo ! Et maintenant, mon ami, veux-tu manger ?

— Oui, répondit Raskolnikoff.

— Il y a de la soupe ?

— Il en reste d’hier, répondit Nastasia, qui n’avait pas quitté la chambre durant toute cette scène.

— De la soupe au riz et aux pommes de terre ?

— Oui.

— J’en étais sûr. Va chercher la soupe, et donne-nous du thé.

— Bien.

Raskolnikoff regardait tout avec une profonde surprise et une frayeur hébétée. Il résolut de se taire et d’attendre ce qui arriverait. « Il me semble que je n’ai plus le délire », pensait-il, — « tout cela m’a l’air d’être bien réel… »

Au bout de dix minutes, Nastasia revint avec le potage et annonça qu’on allait avoir le thé. Avec la soupe se montrèrent deux cuillers, deux assiettes et tout un service de table : sel, poivre, moutarde pour manger avec le bœuf, etc. ; le couvert n’avait pas été aussi bien mis depuis longtemps. La nappe même était propre.

— Nastasiouchka, dit Razoumikhine, Prascovie Pavlovna ne ferait pas mal de nous envoyer deux petites bouteilles de bière. Nous en viendrons bien à bout.

— Tu ne te laisses manquer de rien, toi ! marmotta la servante. Et elle alla faire la commission.

Le malade continuait à tout observer avec une attention inquiète. Pendant ce temps, Razoumikhine était venu s’asseoir à côté de lui sur le divan. Avec une grâce d’ours, il tenait appuyée contre son bras gauche la tête de Raskolni-