Page:Dostoïevski - Crime et chatiment, tome 1.djvu/214

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laient Nikolachka et Mitka : « Il est fermé ; la porte est repeinte, sans doute l’appartement est loué. » Voici le troisième étage… et le quatrième… « C’est ici ! » Il eut un moment d’hésitation ; la porte du logement de la vieille était grande ouverte, il y avait là des gens, on les entendait parler ; Raskolnikoff n’avait pas prévu cela. Néanmoins, sa résolution fut bientôt prise : il monta les dernières marches et pénétra dans l’appartement.

On était aussi en train de remettre ce local à neuf ; des ouvriers s’y trouvaient, ce qui parut causer un étonnement extrême à Raskolnikoff. Il s’était attendu à retrouver le logement tel exactement qu’il l’avait quitté ; peut-être même se figurait-il que les cadavres gisaient encore sur le parquet. Maintenant, à sa grande surprise, les murs étaient nus, les chambres démeublées ! Il s’approcha de la croisée et s’assit sur l’appui de la fenêtre.

Il n’y avait que deux ouvriers, deux jeunes gens dont l’un était un peu plus âgé que l’autre. Ils remplaçaient l’ancienne tapisserie jaune tout usée par du papier blanc semé de petites fleurs violettes. Cette circonstance — nous ignorons pourquoi — déplut fort à Raskolnikoff. Il regardait avec colère le papier neuf, comme si tous ces changements l’eussent contrarié.

Les tapissiers se préparaient à retourner chez eux. Ils firent à peine attention à la présence du visiteur et continuèrent leur conversation.

Raskolnikoff se leva et passa dans l’autre chambre qui contenait auparavant le coffre, le lit et la commode ; cette pièce, vide de meubles, lui parut extrêmement petite. La tapisserie n’avait pas été changée ; on pouvait encore reconnaître dans le coin la place occupée naguère par l’armoire aux images pieuses. Après avoir satisfait sa curiosité, Raskolnikoff revint s’asseoir sur l’appui de la fenêtre. Le plus âgé des deux ouvriers le regarda de travers, et tout à coup s’adressant à lui :