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Page:Dostoïevski - Crime et chatiment, tome 1.djvu/223

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Raskolnikoff s’aperçut bientôt que cette femme n’était pas de celles qui sont promptes à l’évanouissement. En un instant, un oreiller se trouva sous la tête du malheureux, — ce à quoi personne n’avait encore pensé. Catherine Ivanovna se mit à déshabiller Marméladoff, à visiter ses blessures, à lui prodiguer des soins intelligents. L’émotion ne lui enlevait pas la présence d’esprit ; s’oubliant elle-même, elle mordait ses lèvres tremblantes et refoulait dans sa poitrine les cris prêts à s’en échapper.

Pendant ce temps, Raskolnikoff décida quelqu’un à aller chercher un médecin. Il y en avait un qui habitait dans une maison voisine.

— J’ai envoyé chercher un médecin, dit-il à Catherine Ivanovna ; ne vous inquiétez pas, je payerai. N’avez-vous pas d’eau ?… Donnez-moi aussi une serviette, un essuie-mains, quelque chose bien vite ; on ne peut pas encore juger de la gravité des blessures… Il est blessé, mais il n’est pas tué, soyez-en convaincue… Attendons ce que dira le docteur…

Catherine Ivanovna courut à la fenêtre ; là, dans le coin, était placée sur une mauvaise chaise une grande cuvette pleine d’eau, qu’elle avait préparée pour laver pendant la nuit le linge de son mari et de ses enfants. Cette lessive nocturne, Catherine Ivanovna la faisait de ses propres mains au moins deux fois par semaine, quand ce n’était pas plus souvent, car les Marméladoff en étaient arrivés à un tel état de misère que le linge de rechange leur manquait presque absolument : chaque membre de la famille n’avait guère d’autre chemise que celle qu’il portait sur le corps ; or, Catherine Ivanovna ne pouvait souffrir la malpropreté, et, plutôt que de la voir régner chez elle, la pauvre phtisique préférait encore se fatiguer à blanchir nuitamment le linge des siens, pour qu’ils le trouvassent lavé et repassé le lendemain à leur réveil.

Sur la demande de Raskolnikoff, elle prit la cuvette et la