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Page:Dostoïevski - Crime et chatiment, tome 1.djvu/222

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verneur… » Kkhe-kkhe-kkhe… Ô vie trois fois maudite !

Elle cracha et pressa ses mains contre sa poitrine.

— Est-ce que l’eau est prête ? Allons, donne la chemise ; et les bas ?… Lida, ajouta-t-elle en s’adressant à la petite fille, pour cette nuit tu coucheras sans chemise… Mets les bas à côté… On lavera le tout ensemble… Et cet ivrogne, est-ce qu’il ne va pas rentrer ?… Je voudrais pourtant laver sa chemise avec le reste, pour ne pas avoir à me fatiguer deux nuits de suite ! Seigneur ! kkhe-kkhe-kkhe ! Encore ! Qu’est-ce que c’est ? s’écria-t-elle en voyant le vestibule se remplir de monde et des gens pénétrer dans la chambre avec une sorte de fardeau. — Qu’est-ce qu’il y a ? Qu’est-ce qu’on apporte ? Seigneur !

— Où faut-il le mettre ? demanda un agent de police, en regardant autour de lui, tandis qu’on introduisait dans la chambre Marméladoff sanglant et inanimé.

— Sur le divan ! Étendez-le tout de son long sur le divan… la tête ici, indiqua Raskolnikoff.

— C’est un homme ivre qui a été écrasé dans la rue ! cria quelqu’un du vestibule.

Catherine Ivanovna, toute pâle, respirait péniblement. Les enfants étaient terrifiés. La petite Lidotchka courut en criant vers sa sœur aînée et, tremblante, la serra dans ses bras.

Après avoir aidé à coucher Marméladoff sur le divan, Raskolnikoff s’approcha de Catherine Ivanovna :

— Pour l’amour de Dieu, calmez-vous, ne vous effrayez pas ! dit-il vivement ; — il traversait la rue, une voiture l’a écrasé ; ne vous inquiétez pas, il va reprendre ses sens, je l’ai fait porter ici… Je suis déjà venu chez vous, peut-être ne vous en souvenez-vous pas… Il reviendra à lui, je payerai !

— Il n’en reviendra pas ! dit avec désespoir Catherine Ivanovna, et elle s’élança vers son mari.