avec une sorte de bonheur. Pourquoi éprouvait-il un tel plaisir à la contempler ? Lui-même n’en savait rien.
— Qui est-ce qui vous a envoyée ?
— C’est ma sœur Sonia qui m’a envoyée, répondit la petite fille en souriant plus gaiement encore.
— Je me doutais bien que vous veniez de la part de votre sœur Sonia.
— Je viens aussi de la part de maman. C’est ma sœur Sonia qui m’a envoyée la première, mais ensuite maman m’a dit : « Cours vite, Polenka ! »
— Vous aimez votre sœur Sonia ?
— Je l’aime plus que n’importe qui ! déclara avec une énergie particulière Polenka, et son sourire prit soudain une expression plus sérieuse.
— Et moi, m’aimerez-vous ?
Au lieu de répondre, la petite fille approcha de lui son visage et tendit naïvement ses lèvres pour l’embrasser. Tout à coup ses petits bras, minces comme des allumettes, serrèrent Raskolnikoff avec force, et, inclinant sa tête sur l’épaule du jeune homme, elle se mit à pleurer sans bruit.
— Pauvre papa ! dit-elle au bout d’une minute, en relevant son visage humide de larmes qu’elle essuya avec sa main. — On ne voit plus que des malheurs comme cela à présent, ajouta-t-elle inopinément, avec cette gravité particulière que les enfants affectent quand l’envie leur vient de parler « comme les grandes personnes ».
— Votre papa vous aimait ?
— Il aimait surtout Lidotchka, répondit-elle du même ton sérieux (son sourire avait disparu), — il avait une prédilection pour elle, parce que c’est la plus jeune et aussi parce qu’elle est maladive ; il lui apportait toujours des cadeaux. Nous autres, nous prenions avec lui des leçons de lecture, et à moi il enseignait la grammaire et la loi divine, ajouta-t-elle avec dignité. Maman ne disait rien, mais nous savions