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Page:Dostoïevski - Crime et chatiment, tome 1.djvu/256

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relations suivies avec ses interlocutrices. Ayant remarqué dès son entrée la beauté d’Avdotia Romanovna, il s’efforçait de ne faire aucune attention à la jeune fille et s’adressait toujours exclusivement à Pulchérie Alexandrovna.

Tout cela lui procurait un indicible contentement intérieur. En ce qui concernait Raskolnikoff, il déclara l’avoir trouvé dans un état très-satisfaisant. Selon lui, la maladie de son client était due en partie aux mauvaises conditions matérielles dans lesquelles celui-ci avait vécu depuis plusieurs mois, mais elle avait aussi d’autres causes d’un caractère moral : « c’était, pour ainsi dire, le produit complexe d’influences multiples, soit physiques, soit psychologiques, telles que : préoccupations, soucis, craintes, inquiétudes, rêveries, etc. » S’étant aperçu, sans en avoir l’air, qu’Avdotia Romanovna l’écoutait avec une attention marquée, Zosimoff s’étendit complaisamment sur ce thème.

Comme Pulchérie Alexandrovna lui demandait d’une voix timide et inquiète s’il n’avait pas remarqué quelques symptômes de folie chez son fils, il répondit avec un calme et franc sourire qu’on avait fort exagéré la portée de ses paroles, que sans doute on pouvait constater chez le malade une idée fixe, quelque chose comme une monomanie, — d’autant plus que lui, Zosimoff, étudiait maintenant d’une façon spéciale cette branche si intéressante de la médecine. — « Mais, ajouta-t-il, il faut considérer que jusqu’à ce jour le malade a eu presque continuellement le délire, et assurément l’arrivée de sa famille sera une distraction pour lui, contribuera à lui rendre des forces et exercera une action salutaire… si toutefois on peut lui éviter de nouvelles secousse », acheva-t-il d’un ton significatif. Puis il se leva, et, après avoir salué d’une façon à la fois cérémonieuse et cordiale, il sortit au milieu des actions de grâces, des bénédictions, des effusions de reconnaissance. Avdotia Romanovna lui tendit même sa petite main qu’il n’avait nullement