Oh ! les caractères bas ! Leur amour ressemble à de la haine… Oh ! que je… les déteste tous ! »
— En un mot, continua Dounetchka, — j’épouse Pierre Pétrovitch, parce que de deux maux je choisis le moindre. J’ai l’intention de remplir loyalement tout ce qu’il attend de moi ; par conséquent, je ne le trompe pas… Pourquoi as-tu souri tout à l’heure ?
Elle rougit, et un éclair de colère brilla dans ses yeux.
— Tu rempliras tout ? demanda-t-il en souriant avec amertume.
— Jusqu’à une certaine limite. Par la manière dont Pierre Pétrovitch a demandé ma main, j’ai vu tout de suite ce qu’il lui faut. Il a peut-être une trop haute opinion de lui-même ; mais j’espère qu’il saura aussi m’apprécier… Pourquoi ris-tu encore ?
— Et toi, pourquoi rougis-tu de nouveau ? Tu mens, ma sœur ; tu ne peux pas estimer Loujine : je l’ai vu et j’ai causé avec lui. Donc, tu te maries par intérêt ; tu fais, dans tous les cas, une bassesse, et je suis bien aise de voir qu’au moins tu sais encore rougir !
— Ce n’est pas vrai, je ne mens pas !… s’écria la jeune fille perdant tout sang-froid ; je ne l’épouserai pas sans être sûre qu’il m’apprécie et fait cas de moi ; je ne l’épouserai pas sans être pleinement convaincue que je puis moi-même l’estimer. Heureusement, j’ai le moyen de m’en assurer d’une façon péremptoire, et, qui plus est, aujourd’hui même. Ce mariage n’est pas une bassesse, comme tu le dis ! Mais, lors même que tu aurais raison, lors même qu’en effet je me serais décidée à une bassesse, ne serait-ce pas une cruauté de ta part que de me parler ainsi ? Pourquoi exiger de moi un héroïsme que tu n’as peut-être pas ? C’est de la tyrannie, c’est de la violence ! Si je fais du tort à quelqu’un, ce ne sera qu’à moi… Je n’ai encore tué personne !… Qu’as-tu à me regarder ainsi ? Pourquoi pâlis-tu ? Rodia, qu’est-ce que tu as ? Rodia, cher !…