— Seigneur ! il s’évanouit, et c’est toi qui en es cause ! s’écria Pulchérie Alexandrovna.
— Non, non, ce n’est rien, une bêtise !… La tête m’a un peu tourné. Je ne me suis pas évanoui du tout… C’est bon pour vous, les évanouissements… Hum ! oui… Qu’est-ce que je voulais dire ? Ah ! comment te convaincras-tu aujourd’hui même que tu peux estimer Loujine et qu’il… t’apprécie, car c’est cela, n’est-ce pas ? que tu disais tout à l’heure, ou bien ai-je mal entendu ?
— Maman, montrez à mon frère la lettre de Pierre Pétrovitch, dit Dounetchka.
Pulchérie Alexandrovna tendit la lettre d’une main tremblante. Raskolnikoff la lut attentivement par deux fois. Tous s’attendaient à quelque éclat. La mère, surtout, était fort inquiète.
Après être resté pensif un instant, le jeune homme lui rendit la lettre.
— Je n’y comprends rien, commença-t-il sans s’adresser à personne en particulier : il plaide, il est avocat, il vise même au beau langage dans sa conversation, et il écrit comme un illettré.
Ces paroles causèrent une stupéfaction générale ; ce n’était pas du tout ce qu’on attendait.
— Du moins il n’écrit pas très-littérairement, si son style n’est pas tout à fait celui d’un illettré ; il manie la plume comme un homme d’affaires, ajouta Raskolnikoff.
— Pierre Pétrovitch, d’ailleurs, ne cache pas qu’il a reçu peu d’instruction, et il s’enorgueillit d’être le fils de ses œuvres, dit Avdotia Romanovna, un peu froissée du ton que venait de prendre son frère.
— Eh bien, il a de quoi s’enorgueillir, je ne dis pas le contraire. Tu parais fâchée, ma sœur, parce que je n’ai trouvé à faire qu’une observation frivole au sujet de cette lettre, et tu crois que j’insiste exprès sur de pareilles niai-