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Page:Dostoïevski - Crime et chatiment, tome 1.djvu/41

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Le locataire ouvrit les yeux, se secoua et reconnut Nastasia.

— C’est la logeuse qui m’envoie ce thé ? demanda-t-il, tandis qu’il faisait un effort pénible pour se mettre sur son séant.

— Pas de danger que ce soit elle !

La servante plaça devant lui sa propre théière où il restait encore du thé, et déposa sur la table deux petits morceaux de sucre jaune.

— Nastasia, prends ceci, je te prie, dit Raskolnikoff en fouillant dans sa poche d’où il tira une poignée de menue monnaie (cette fois encore il s’était couché tout habillé) — et va me chercher un petit pain blanc. Tu passeras aussi chez le charcutier, et tu m’achèteras un peu de saucisson, à bon marché.

— Dans une minute je t’apporterai le petit pain blanc, mais au lieu du saucisson ne prendrais-tu pas bien du chtchi ? On en a fait hier, il est très-bon. Je t’en avais déjà gardé une portion hier au soir, mais tu es rentré si tard ! Il est très-bon.

Elle alla chercher le chtchi ; puis, lorsque Raskolnikoff se fut mis à manger, elle s’assit sur le sofa à côté de lui et commença à bavarder, en vraie fille de la campagne qu’elle était.

— Prascovie Pavlovna veut se plaindre de toi à la police, dit-elle.

Le visage du jeune homme s’assombrit.

— À la police ? Pourquoi ?

— Tu ne la payes pas, et tu ne veux pas t’en aller. Voilà pourquoi.

— Ah ! diable ! il ne manquait plus que cela ! grommela-t-il entre ses dents ; — voilà qui tombe fort mal à propos pour moi… Elle est sotte, ajouta-t-il à haute voix — Je passerai chez elle aujourd’hui, je lui parlerai.