Page:Dostoïevski - Crime et chatiment, tome 2.djvu/111

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ture humaine. Vous ne savez pas encore quelle nature c’est !

— Dites-moi, reprit Loujine, pouvez-vous… ou, pour mieux dire, êtes-vous assez lié avec la jeune personne susmentionnée pour la prier de venir une minute ici ? Ils doivent être tous revenus du cimetière… Je crois les avoir entendus monter l’escalier. Je voudrais voir un instant cette personne.

— Mais pourquoi ? demanda avec étonnement André Séménovitch.

— Il faut que je lui parle. Je dois m’en aller d’ici aujourd’hui ou demain, et j’ai quelque chose à lui communiquer… Du reste, vous pourrez assister à notre entretien, et même cela vaudra mieux. Autrement, Dieu sait ce que vous penseriez.

— Je ne penserais rien du tout… Je vous ai fait cette question sans y attacher d’importance. Si vous avez affaire à elle, il n’y a rien de plus facile que de la faire venir. Je vais la chercher tout de suite, et, soyez-en sûr, je ne vous gênerai pas.

Effectivement, cinq minutes après, Lébéziatnikoff ramena Sonetchka. Elle arriva, extrêmement surprise et troublée. En pareille circonstance, elle était toujours fort intimidée, les nouveaux visages lui faisaient grand’peur. C’était chez elle une impression d’enfance, et l’âge avait encore accru cette sauvagerie… Pierre Pétrovitch se montra poli et bienveillant. Recevant, lui homme sérieux et respectable, une créature si jeune et, en un sens, si intéressante, il crut devoir l’accueillir avec une nuance de familiarité enjouée. Il se hâta de la « rassurer » et l’invita à prendre un siège en face de lui. Sonia s’assit ; elle regarda successivement Lébéziatnikoff et l’argent placé sur la table ; puis tout à coup ses yeux se reportèrent sur Pierre Pétrovitch, dont ils ne purent se détacher ; on eût dit qu’elle subissait une sorte de fascination. Lébéziatnikoff se dirigea vers la porte. Loujine se