Page:Dostoïevski - Crime et chatiment, tome 2.djvu/12

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— À moi ? Peut-être. Vraiment, c’est possible. À propos, croyez-vous aux apparitions ?

— À quelles apparitions ?

— Aux apparitions, dans le sens ordinaire du mot.

— Vous y croyez, vous ?

— Oui et non, je n’y crois pas si vous voulez, pourtant…

— Vous en voyez ?

Svidrigaïloff regarda son interlocuteur d’un air étrange.

— Marfa Pétrovna vient me visiter, dit-il, et sa bouche se tordit en un sourire indéfinissable.

— Comment, elle vient vous visiter ?

— Oui, elle est déjà venue trois fois. La première fois, je l’ai vue le jour même de l’enterrement, une heure après être revenu du cimetière. C’était la veille de mon départ pour Pétersbourg. Je l’ai revue ensuite pendant mon voyage : elle m’est apparue avant-hier, au point du jour, à la station de Malaïa Vichéra ; la troisième fois, c’est il y a deux heures, dans une chambre de l’appartement où je loge, j’étais seul.

— Vous étiez éveillé ?

— Parfaitement. J’étais éveillé les trois fois. Elle vient, elle cause une minute et elle s’en va par la porte, toujours par la porte. Il me semble l’entendre marcher.

— Je me disais bien qu’il devait arriver, en effet, des choses de ce genre, fit brusquement Raskolnikoff, et au même instant il s’étonna d’avoir prononcé cette parole. Il était fort agité.

— Vraiment ? Vous vous disiez cela ? demanda Svidrigaïloff surpris : — est-ce possible ? Eh bien, n’avais-je pas raison de dire qu’il y a entre nous un point commun, hein ?

— Jamais vous n’avez dit cela ! répliqua avec irritation Raskolnikoff.

— Je ne l’ai pas dit ?

— Non.

— Je croyais l’avoir dit. Tantôt, quand je suis entré ici et