Page:Dostoïevski - Crime et chatiment, tome 2.djvu/139

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l’empereur, au tzar miséricordieux ; j’irai me jeter à ses pieds aujourd’hui même. Je suis orpheline ! On me laissera entrer. Tu crois qu’on ne me recevra pas ? Tu te trompes, j’obtiendrai une audience. Parce qu’elle est douce, tu pensais n’avoir rien à craindre, tu avais compté sur sa timidité, n’est-ce pas ? Mais si elle est timide, moi, mon ami, je n’ai pas peur, et ton calcul sera déçu ! Cherche donc ! Cherche, voyons, dépêche-toi !

En même temps, Catherine Ivanovna saisissait Loujine par le bras et l’entraînait vers Sonia.

— Je suis prêt, je ne demande pas mieux… mais calmez-vous, madame, calmez-vous, balbutiait-il, — je vois bien que vous n’avez pas peur !… C’est au bureau de police qu’il faudrait faire cela… Du reste, il y a ici un nombre plus que suffisant de témoins… Je suis prêt… Toutefois, il est assez délicat pour un homme… à cause du sexe… Si Amalia Ivanovna voulait prêter son concours… pourtant, ce n’est pas ainsi que les choses se font…

— Faites-la fouiller par qui vous voulez ! cria Catherine Ivanovna ; — Sonia, montre-leur tes poches ! Voilà ! voilà ! Regarde, monstre, tu vois qu’elle est vide ; il y avait là un mouchoir, rien de plus, comme tu peux t’en convaincre ! À l’autre poche maintenant ! voilà, voilà ! tu vois !

Non contente de vider les poches de Sonia, Catherine Ivanovna les retourna l’une après l’autre, de dedans en dehors. Mais au moment où elle mettait ainsi à découvert la doublure de la poche droite, il s’en échappa un petit papier qui, décrivant une parabole dans l’air, alla tomber aux pieds de Loujine. Tous le virent, plusieurs poussèrent un cri. Pierre Pétrovitch se baissa vers le parquet, ramassa le papier entre deux doigts et le déplia coram populo. C’était un billet de cent roubles, plié en huit. Pierre Pétrovitch l’exhiba à la vue de tous, pour ne laisser subsister aucun doute sur la culpabilité de Sonia.