Page:Dostoïevski - Crime et chatiment, tome 2.djvu/140

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— Voleuse ! Hors d’ici ! La police, la police ! hurla madame Lippevechzel : il faut qu’on l’envoie en Sibérie ! À la porte !

De toutes parts volaient des exclamations. Raskolnikoff, silencieux, ne cessait de considérer Sonia que pour jeter de temps à autre un regard rapide sur Loujine. La jeune fille, immobile à sa place, semblait hébétée plus encore que surprise. Tout à coup, elle rougit et couvrit son visage de ses mains.

— Non, ce n’est pas moi ! Je n’ai rien pris ! Je ne sais pas ! s’écria-t-elle d’une voix déchirante, et elle se précipita vers Catherine Ivanovna, qui ouvrit ses bras comme un asile inviolable à la malheureuse créature.

— Sonia, Sonia, je ne le crois pas ! Tu vois, je ne le crois pas ! répétait Catherine Ivanovna rebelle à l’évidence ; ces mots étaient accompagnés de mille caresses : elle prodiguait les baisers à la jeune fille, lui prenait les mains, la balançait dans ses bras comme un enfant. Toi, avoir pris quelque chose ! Mais que ces gens sont bêtes ! Ô Seigneur ! Vous êtes bêtes, bêtes ! criait-elle à toutes les personnes présentes, vous ne savez pas encore ce qu’est ce cœur, ce qu’est cette jeune fille ! Elle, voler ! Elle ! Mais elle vendra son dernier vêtement, elle ira pieds nus plutôt que de vous laisser sans secours si vous vous trouvez dans le besoin ; voilà comme elle est ! Elle a été jusqu’à recevoir le billet jaune parce que mes enfants mouraient de faim, elle s’est vendue pour nous ! Ah ! mon pauvre défunt, mon pauvre défunt ! Seigneur ! Mais défendez-la donc, vous tous, au lieu de rester impassibles ! Rodion Romanovitch, pourquoi ne prenez-vous pas sa défense ? Est-ce que, vous aussi, vous la croyez coupable ? Tous tant que vous êtes, vous ne valez pas son petit doigt ! Seigneur ! défends-la donc enfin !

Les larmes, les supplications, le désespoir de la pauvre Catherine Ivanovna parurent faire une profonde impression sur le public. Ce visage phtisique, ces lèvres sèches, cette