Page:Dostoïevski - Crime et chatiment, tome 2.djvu/153

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

la posait, il sentait l’impossibilité non-seulement de ne pas faire cet aveu, mais même de le différer d’une minute.

Il ne savait pas encore pourquoi cela était impossible, il le sentait seulement, et il était presque écrasé par cette douloureuse conscience de sa faiblesse devant la nécessité. Pour s’épargner de plus longs tourments, il se hâta d’ouvrir la porte, et, avant de franchir le seuil, regarda Sonia. Elle était assise, les coudes appuyés sur sa petite table et le visage caché dans ses mains. En apercevant Raskolnikoff, elle se leva aussitôt et alla au-devant de lui, comme si elle l’eût attendu.

— Que serait-il advenu de moi sans vous ! dit-elle vivement, tandis qu’elle l’introduisait au milieu de la chambre. Selon toute apparence, elle ne songeait alors qu’au service que le jeune homme lui avait rendu, et elle était pressée de l’en remercier. Ensuite elle attendit.

Raskolnikoff s’approcha de la table et s’assit sur la chaise que la jeune fille venait de quitter. Elle resta debout à deux pas de lui, exactement comme la veille.

— Eh bien, Sonia ? dit-il, et soudain il s’aperçut que sa voix tremblait : — toute l’accusation se basait sur votre « position sociale et les habitudes qu’elle implique ». Avez-vous compris cela tantôt ?

Le visage de Sonia prit une expression de tristesse.

— Ne me parlez plus comme hier ! répondit-elle. Je vous en prie, ne recommencez pas. J’ai déjà assez souffert…

Elle se hâta de sourire, craignant que ce reproche n’eût blessé le visiteur.

— Tout à l’heure je suis partie comme une folle. Que se passe-t-il là maintenant ? Je voulais y retourner, mais je pensais toujours que… vous viendriez.

Il lui apprit qu’Amalia Ivanovna avait mis les Marméladoff à la porte de leur logement, et que Catherine Ivanovna était allée « chercher justice » quelque part.