Page:Dostoïevski - Crime et chatiment, tome 2.djvu/157

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— Qu’avez-vous ? répéta-t-elle en s’écartant un peu de lui.

— Rien, Sonia, ne t’effraye pas… Cela n’en vaut pas la peine, vraiment, c’est une bêtise, murmura-t-il comme un homme dont l’esprit est absent. — Seulement, pourquoi suis-je venu te tourmenter ? ajouta-t-il tout à coup en regardant son interlocutrice. — Oui, pourquoi ? Je ne cesse de me poser cette question, Sonia…

Il se l’était peut-être posée un quart d’heure auparavant, mais en ce moment sa faiblesse était telle qu’il avait à peine conscience de lui-même, un tremblement continuel agitait tout son corps.

— Oh ! que vous souffrez ! fit d’une voix émue la jeune fille en jetant les yeux sur lui.

— Ce n’est rien !… Voici de quoi il s’agit, Sonia (durant deux secondes un pâle sourire se montra sur ses lèvres) : — Te rappelles-tu ce que je voulais te dire hier ?

Sonia attendait, inquiète.

— Je t’ai dit en te quittant que peut-être je te faisais mes adieux pour toujours, mais que si je venais aujourd’hui, je t’apprendrais… qui a tué Élisabeth.

Elle commença à trembler de tous ses membres.

— Eh bien, voilà pourquoi je suis venu.

— En effet, c’est bien ce que vous m’avez dit hier… fit-elle d’une voix mal assurée : comment donc savez-vous cela ? ajouta-t-elle vivement.

Sonia respirait avec effort. Son visage devenait de plus en plus pâle.

— Je le sais.

— On l’a trouvé ? demanda-t-elle timidement après une minute de silence.

— Non, on ne l’a pas trouvé.

Pendant une minute encore elle resta silencieuse.

— Alors comment savez-vous cela ? questionna-t-elle ensuite d’une voix presque inintelligible.